Le juge VOIRAIN FACE A SES PAIRS
Un magistrat comparaît face à ses pairs
Le juge Voirain, de Bobigny, détenu, est soupçonné de corruption.
Dans la plus grande discrétion, une audience au climat étrange s'est
tenue hier dans les couloirs de la Cour de cassation. Un procureur
adjoint comparaissait, détenu, devant ses pairs du Conseil supérieur de
la magistrature, instance disciplinaire qui prononce les suspensions
temporaires des magistrats en situation délicate. Avant sanction
définitive.
Jean-Louis Voirain, procureur adjoint au tribunal de Bobigny, a été
écroué le 11 février par la juge parisienne Isabelle Prévost-Desprez.
Bien installé dans son tribunal depuis près d'une dizaine d'années,
Voirain, 59 ans, est soupçonné d'avoir accepté petits cadeaux et
enveloppes en échange de son intervention dans les ennuis judiciaires
de ses protégés. C'est à l'occasion du deuxième volet de l'affaire du
Sentier que ces pratiques supposées ont été mises au jour. Depuis,
l'enquête a mieux répertorié les faveurs dont il se laissait combler :
stylo Chaumet, voyage en Grèce de la part d'un entrepreneur récemment
écroué.
Soucis. Bien avant que la juge mette en cause son collègue, d'autres
magistrats avaient eu l'occasion de s'intéresser à Voirain. En 1999,
dans le cadre de l'enquête sur une imprimerie de la Mnef, ses liens
amicaux avec l'un des faux facturiers poursuivis avaient été soulignés.
Entendu, Voirain n'avait pas eu de soucis. Mais il était repéré par la
hiérarchie judiciaire. Dans le cadre de l'instruction menée par
Philippe Courroye sur l'Angola, il était apparu que le marchand d'armes
Pierre Falcone avait souscrit à une série d'abonnements de soutien de
l'APM (Association professionnelle des magistrats), syndicat
minoritaire marqué à droite. Un juge, chargé de tenir le fichier des
abonnés à jour, avait alors affirmé que Jean-Louis Voirain, l'un des
animateurs de l'APM, avait donné ordre d'effacer toute trace
informatique des abonnements souscrits par Brenco, la société de
Falcone, au moment où l'information judiciaire était en plein
développement. Là encore, pas de pépins pour le procureur. Mais les
procès-verbaux concernant ces péripéties avaient circulé jusqu'à la
chancellerie.
Célérité. Dès lors, le garde des Sceaux n'aurait pas dû ignorer le
risque encouru, lorsqu'il a tenté de pousser Jean-Louis Voirain au
poste d'avocat général à la cour d'appel de Paris, en décembre dernier.
Depuis, le ministère affiche sa volonté de gérer son cas avec célérité.
L'avis du CSM sera transmis au ministre la semaine prochaine.
Libération, Par Armelle THORAVAL, samedi 15 mars 2003
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