saumur sos justice

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L e calvaire de Nelly et Jacques ESNAULT

UNE AFFAIRE RARISSIME , UN JUGE NE RECONNAIT JAMAIS SON  ERREUR ET SES PAIRS NON PLUS !!!

Société 24/10/2000

L'Etat attaqué pour justice bâclée.

Un juge a reconnu son erreur dans l'arrêt qui a mené un restaurateur à la ruine.


COIGNARD Jacqueline

L'ancien restaurateur n'en finit pas de louer le juge Alain Le Caignec, pourtant auteur d'un arrêt qui l'a jeté dans une débâcle professionnelle et une saga judiciaire de près de quinze ans. «Je voudrais remercier monsieur Le Caignec...», s'est lancé Jacques Esnault à la fin de l'audience qui se tenait hier, devant la première chambre civile du tribunal de Rennes. Avant de se faire couper la parole par le président. Comme Me Yves Darel, son avocat, Jacques Esnault insiste sur le «courage» d'un magistrat qui s'accuse d'avoir pris une mauvaise décision, en 1986. Une initiative tellement inhabituelle que les plaignants espèrent qu'elle remettra en question le sacro-saint principe de l'autorité de la chose jugée.

Réconfortés par le mea-culpa du magistrat, le restaurateur et sa femme ont d'abord tenté de négocier un dédommagement à l'amiable avec le ministère de la Justice: après la faillite de leur commerce et la dispersion de leurs biens aux enchères, ils survivent désormais avec le RMI dans une HLM de 50 m2. Mais ils ont été déboutés par Jacques Toubon, puis par Elisabeth Guigou. Et ce, malgré l'intervention de Bernard Stasi, le médiateur de la République. Ils se sont donc résignés à se replacer sur le terrain judiciaire, l'an dernier, en engageant la responsabilité de l'Etat pour «faute lourde ayant entraîné un dysfonctionnement du service public de la justice» et réclament 5,455 millions de francs.

Banal litige. Ce pataquès judiciaire débute comme un banal litige entre les gérants d'un commerce et le propriétaire des murs. Jacques Esnault reprend, avec sa femme Nelly, un hôtel-restaurant de Fougères, en 1978. Le Saint-Pierre se conquiert une clientèle, mais le bâtiment se dégrade et nécessite des travaux de remise aux normes sanitaires et de sécurité (électricité, consolidation d'un escalier...). Les propriétaires refusent de les financer. Jacques Esnault porte le conflit devant le tribunal de Fougères. Un expert évalue à 220 700 F le montant des travaux à effectuer. «Les grosses réparations invoquées par les locataires constituent en réalité des travaux de reconstruction de l'immeuble», considère le tribunal d'instance. Appel. Et décision encore plus catastrophique pour les Esnault, de la quatrième chambre de la cour d'appel de Rennes, le 6 novembre 1986: «Le bailleur n'est pas tenu de reconstruire si la chose est détruite par cas fortuit durant la durée du bail [...] La ruine du bâtiment n'est pas due à une faute des bailleresses.» Stupeur des Esnault, qui se retrouvent piégés dans une affaire où ils ont investi toutes leurs économies.

L'exploitation du restaurant continue pourtant. Jusqu'à ce que la tempête de l'hiver 1987 emporte une partie de la toiture. Nouvelle procédure. En première instance et en appel les décisions sont totalement contradictoires avec les premières, puisque les propriétaires sont condamnés à réparer l'immeuble. Mais, en cassation, l'arrêt de 1986 refait surface: toute demande de réparation se heurte à l'autorité de la chose jugée de cet arrêt qui consacre «la ruine» de l'immeuble.

Abattage. A force d'insistance, les Esnault finissent par rencontrer le président Le Caignec. En septembre 1995, après réexamen du dossier, le magistrat se confond en excuses dans deux courriers où éclate l'indigence d'une justice d'abattage. Il explique que, à l'époque, la quatrième chambre était noyée sous cinq ans de retard d'audiencement. «Les conséquences de cette énorme surcharge de travail ont été de faire vite, très vite, au risque de faire trop vite. L'affaire m'a laissé une impression d'arrêt plus ou moins loupé», écrit-il, en ajoutant à la main: «J'ai préféré remplacer le terme bâclé par loupé, bâclé étant insultant pour la collaboratrice.» Ce que Me Darel traduit: non seulement il n'y a pas eu d'examen sérieux du dossier, mais pas non plus de réelle collégialité (un seul assesseur a rédigé l'arrêt). L'avocat estime que l'évolution de la jurisprudence permet désormais d'engager la responsabilité de l'Etat en cas de tels comportements «anormalement déficients».

Alain Le Caignec trouve lui-même que les époux ne sont pas «dépourvus de motifs de se plaindre», tant le «dysfonctionnement» du tribunal a eu des «conséquences très graves» sur leur fortune. Avocat de l'Etat, Me Philippe Billaud lui reproche cet accès de sincérité et invoque le devoir de réserve. Il s'en tient aux principes et considère que l'affaire a été bien jugée «en droit». Qu'un magistrat «s'autoflagelle» neuf ans après le rendu d'une décision n'y change rien, selon lui. Jugement le 27 novembre 2000.

JACQUELINE COIGNARD




05/03/2011

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